Vaincre la violence

Un éditorial écrit alors que gronde la colère avec son cortège de débordements où se côtoient désespérance pour les uns et opportunité pour les autres. La solution sera-t-elle au libre cours de la violence, chacun se renvoyant la balle de la responsabilité ? C’est la faute à……. Et chacun remplira les points de suspension en désignant le coupable attitré… Le dialogue social sombre ici dans l’impasse chacun estimant juste … de « ne rien lâcher »…

 

Difficile communication de l’homme avec l’homme, des hommes entre eux. J’entends ici, hommes et femmes, il va de soi… Qu’il est difficile ce chemin de la rencontre et de la réussite du vivre ensemble… Et cette histoire n’est pas d’hier… Elle est de tout temps… Elle est de chaque instant… Déjà dans la Genèse … Adam et Eve : Manger le fruit défendu ou pas ?… « C’est pas moi, c’est elle »… « C’est pas moi, c’est le serpent »… Il faut bien qu’il y ait un coupable… Face aux choix à poser, il y a toujours une incertitude, un risque à prendre, une décision à assumer, des conséquences à gérer… Souvenons-nous Caïn et Abel…Duel fratricide… Parce que le travail de l’un a été reconnu alors que l’autre était dévalorisé… Manque de reconnaissance d’un père injuste ou maladroit qui conduit à la Jalousie meurtrière… Le frère tuera le frère… La violence en réaction à la blessure… Libre cours à la colère qui se fait destructrice… Et l’on pourrait au regard de l’histoire multiplier les constats de dérapages de la communication qui ont sombré dans ces impasses du dialogue pour finir par ouvrir la voie des conflits armés, des violences psychologiques ou physiques, des velléités guerrières laissant sur le bord des routes, ruines et désolation…Ceci concerne aussi bien les relations de famille au plus intime, que le dialogue entre les peuples, les cultures, les milieux sociaux.  L’homme serait donc définitivement un  loup pour l’homme ?… et la violence le seul recours ?

 

A l’approche des fêtes de Pâques une autre voix se fait entendre… Elle retentit au milieu du chaos… « Aimez-vous les uns les autres »…. Et l’on criera à la naïveté… « Soyons sérieux, que diantre… et laissons ce doux rêve aux enfants… Le monde n’est pas la vie en rose… Il n’y a pas de place pour les poètes… ». Lucidité froide d’adultes désillusionnés qui mène au choix du renoncement pour entrer dans les logiques de la méfiance et les réflexes de la préservation de soi face à un monde menaçant… « Protégeons-nous »… « Chacun pour soi »…

 

Mais qui a dit que le chemin du « aimez-vous » était un chemin paisible ? Qui a dit que Pâques était un chemin sans douleurs ? Qui a dit que l’acte de croire en la vie plus forte que la mort était une facilité qui nous dispenserait d’avoir à prendre en charge les moments chaotiques qui traversent la vie des hommes ? Personne !… Et surtout pas Jésus, lui qui sait ce qu’il en coûte de décider d’aimer l’homme, même et surtout lorsque l’homme n’est pas aimable… Pâques passe par la croix, par l’accueil des forces meurtrières qui habitent le cœur des hommes…Et du haut de la croix, Il continue d’aimer… Refus de répondre à la violence par la violence…. Refus de laisser libre cours à la colère légitime… Refus de laisser cette colère entraîner dans le choix pour détruire… « Père pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font… » .. Aimer est ici affaire de décision…. Affaire de choix… Volonté de dire non à la loi du Talion : « œil pour œil… dent pour dent », et plus si nécessaire…

 

Loin de nous détourner des moments crucifiants de nos vies, de la vie de notre monde, la foi en la force de résurrection nous sollicite au contraire pour demeurer présents, là où les hommes souffrent, là où ils se déchirent, là où la colère sombre en violence, non pas pour rajouter du mal au mal, mais au contraire, pour essayer  d’inverser la tendance, pour décider de construire, et reconstruire là où les liens sont rompus pour un temps… Affaire de décision donc, à poser au quotidien, dès le matin, chaque jour… en croyant en celui qui nous donne la force de l’Esprit afin de faire ensemble que le chemin du « aimez-vous » demeure notre boussole…

 

Que ces fêtes pascales nous aident donc à ne pas nous détourner du présent, mais bien au contraire, à y tenir notre rôle de veilleur et d’éveilleur, même si…… « Aimer »… Ni rêve… ni fuite… mais une nécessité vitale pour notre monde en ébullition… « Allez ! Je vous envoie… c’est vous qui en êtes les témoins »… Bonne Pâques à chacun et à tous…

 

Gilles Baudry, curé de Notre-Dame-des-Eaux

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