Confinement, isolement, enfermement… La crise sanitaire mondialisée qui marque le temps que nous vivons pourrait être effectivement l’occasion d’une « traversée de l’enfer ». Après les premiers jours vécu parfois comme une nouveauté exotique, nous percevons bien que face à la durée annoncée ce moment de rupture des liens et d’isolement forcé pourrait être le lieu de toutes les angoisses possibles…
Nous aurons une pensée pour les familles vivant sous le même toit, certaines dans des logements de petites surfaces et sans jardin… Sans oublier ceux et celles qui vivent seuls, les personnes malades ou handicapées et ceux et celles de la rue qui n’ont pour toit que le porche de l’église, l’arrêt de bus ou le hall de gare.
Nos pensées vont aussi à ceux et celles qui s’exposent au service de l’autre malade. Admirable dévouement d’un personnel soignant qui ne va pas sans inquiétude pour l’autre, mais aussi pour soi-même…
« L’enfer, c’est les autres » disait le philosophe Jean Paul Sartre…. Peut-être que ce temps d’isolement sera l’occasion de réviser cette pensée qui nous habite parfois … Peut-être goûterons nous dans le manque de liens que nous impose cette épreuve combien au contraire, nous sommes fait pour la relation, la rencontre, le dialogue des différences… L’autre, même pénible, est aussi une chance, un enrichissement, y compris dans les contradictions que parfois il nous oppose… « Qui que tu sois, merci à toi d’exister, tu me fais vivre et avancer »… Sachons le dire…
Car l’enfer est bien du côté de l’isolement. C’est la rupture du lien, l’individualisme poussé à son paroxysme, illusion d’un bonheur égocentré que nous indique la foi chrétienne… Eriger le « moi » en « centre de tout » en se coupant du « Tout Autre » qui nous ouvre à la relation. Se faire « dieu tournant sur soi », rejetant ce Dieu qui nous relie à l’autre : « Tu aimeras Dieu et ton prochain comme toi-même »… Combien nous pouvons goûter aujourd’hui que ceci n’est pas un ordre contraignant tombé d’en haut, mais un conseil de sagesse proposé pour que la vie trouve son chemin en nous, entre nous.
La situation actuelle devrait nous aider à interroger nos approches de la vie personnelle et collective. Pouvons-nous grandir sans l’autre ? L’autre est-il un moyen, un outil, un danger ? Ou bien un défi positif, une chance ? Question posée aussi la philosophie de vie qui préside à l’organisation des peuples et des nations dans les rapports avec l’autre, les autres, le monde… Loi du marché…Organisation économique… Question écologique… Tout est lié, nous le constatons avec ce moment de crise… Que ressortira-t-il de tout ceci ?… Intérêt contre intérêt ? Ou recherche de bien commun dans le souci du développement de tous ?… Enfermement ou Communion ?
Pour les Chrétiens, ce temps du Carême et de célébration de Pâques est bien une invitation à reconnaître que l’enfer n’est pas le dernier mot de l’histoire, qu’un Dieu est descendu dans cette logique de fermeture poussé à l’extrême pour y inscrire une victoire, celle du lien maintenu malgré tous les isolements, celle de la soif de rencontre malgré toutes les tentations fermeture, celle de l’amour qui nous tourne vers l’autre et nous libère du repli sur notre égo…
« Il fait route avec nous » et même si nous n’avons pas l’occasion de nous rassembler pour le célébrer Pâques, IL demeure celui qui marche à nos côté pour soutenir en nous l’humanité ouverte à la rencontre de l’autre… C’est dans ce sens que seront présentées dans les bulletins paroissiaux ou sur le site de la Zone Nazairienne toutes les possibilités de vivre le Carême et Pâques « autrement », malgré l’interdiction de rassemblement…
Courage… confiance… Prière… Patience et bienveillance… Bonne route de Pâques à tous
Gilles Baudry Curé de Notre Dame des Eaux
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