Pentecôte…à l’heure de l’Europe……PAROISSE NOTRE-DAME-DES-EAUX

Un éditorial un peu particulier, en lien avec l’actualité, alors que nous serons sollicités pour nous prononcer par le vote concernant la question Européenne… Si l’église a renoncé à exercer un pouvoir politique sur la société, comme ce fut le cas pendant plusieurs siècles, elle reste porteuse de valeurs puisées aux sources de l’Evangile, valeurs proposées aux hommes comme chemin possible pour organiser un « vivre ensemble » toujours fragile.

 Les textes des Evêques du groupe « Eurégio » nous en donne un écho. En voici quelques extraits…

 

En tant qu’évêques de différents diocèses frontaliers d’Europe de l’Ouest, membres du groupe que nous avons baptisé “Euregioˮ, nous sommes conscients de l’enjeu que représentent, pour l’avenir dans l’Union européenne, les élections qui auront lieu le 9 juin 2024. C’est pourquoi nous avons voulu nous adresser à vous, nos frères et sœurs européens,

  1. Deux Guerres mondiales, 1914-1918 et 1939-1945, ont semé la ruine et la désolation sur le continent européen et sur le reste de la planète. …Suite à cette tragédie l’Union européenne a été fondée pour la paix…. On ne doit pas oublier l’élan historique qu’a donné la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950 : « La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. La contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques.» …
  2. La construction européenne a permis une paix durable en Europe, et en particulier la réconciliation franco-allemande. Elle a entrainé une accélération de l’évolution démocratique de certains pays rejoignant l’Union européenne (Espagne, Portugal, Grèce sortant de régimes autoritaires). Elle a produit la réalisation de projets importants sur le plan technologique (secteur aérospatial) et sur le plan des coopérations sociales (comme la coopération transfrontalière sur les prises en charge hospitalières), ainsi qu’en matière de projets communs de solidarité internationale. La construction européenne a aussi accompagné une évolution à la hausse de l’espérance de vie grâce à la mise en place, là où ils n’existaient pas, de systèmes de sécurité sociale efficaces.
  3. Aujourd’hui, nous, Européens, sommes questionnés par le pacte de solidarité que nous avons signé à l’époque du Traité de Rome en 1957. Y croyons-nous encore ? Nous entendons beaucoup de critiques et constatons beaucoup de scepticisme à ce sujet.
  4. On stigmatise le fonctionnement supranational de l’Union européenne, on considère qu’il mettrait en péril l’indépendance et l’identité propre des nations qui la constituent, on souligne le sentiment des populations de n’être pas protégées contre les intrusions politiques, économiques, sociales du reste du monde, on constate l’émergence de réflexes nationalistes et populistes qui, en ce moment, se répandent et risquent de traiter de nouveau, comme en d’autres temps, l’autre ou l’étranger comme une menace. Ce qui paralyse aujourd’hui le vivre ensemble européen, c’est la crainte de la perte de contrôle des nations sur leur destin. Une crainte qui provoque le repli sur soi et la tension avec les autres.10. Ces incertitudes engendrent le populisme, qui est aussi la conséquence de la crise économique, et qui critique le projet européen. La paupérisation de certaines régions et le chômage qui a touché des populations ont creusé des fossés entre nous, Européens. Nos différences de niveau économique et social ont été mises en relief, comme nos différences au niveau politique et culturel. Ce sont des différences qui aujourd’hui quelquefois nous opposent plutôt que de nous enrichir. Le modèle libéral et libre échangiste, qui a prévalu chez les décideurs de l’Union européenne, a provoqué beaucoup de dommages sociaux et territoriaux. Ils se sont ajoutés à la montée des tensions internationales et de l’insécurité intérieure.

    11. Sur cela est venue se greffer l’arrivée massive des migrants. Le problème est réel et on n’a pas le droit de le nier. La Méditerranée est devenue un cimetière où sont mortes plus de vingt mille personnes de tous âges qui rêvaient d’Europe. Des frères et soeurs migrants nombreux frappent à notre porte : la grande majorité fuit les conditions de vie difficiles et sans avenir, qu’ils connaissent chez eux et sont prêts à braver la mort pour fuir leur situation actuelle et ses impasses. Ils nous bousculent, mais ils contribuent aussi à aider et dynamiser l’Europe.

    12. L’Union européenne court le risque de disparaître si elle ne retrouve pas sa raison d’être : la paix et la solidarité dans la diversité…Aujourd’hui nous sommes questionnés de la même manière qu’après la Seconde Guerre mondiale.

    18. Les questions qui nous sont posées au moment où nous allons voter sont claires : choisissons-nous de vivre ensemble ? En vue de quoi ? De quelles ambitions sommes-nous porteurs ? Que voulons-nous faire ensemble ? Dans quel but ? Quel rêve avons-nous pour l’Europe ?

    19. Il faut que notre Europe soit une Europe de l’enfant, du pauvre, où être réfugié n’est pas un délit, une Europe qui offre aux jeunes la beauté de la culture, la richesse des échanges et pas seulement le consumérisme.

    23. Il incombe à l’Europe d’aujourd’hui de savoir faire l’autocritique du fonctionnement de ses propres institutions et de prendre conscience qu’elle a vocation à s’investir dans une mission de solidarité plus large voire mondiale. Si L’Europe d’aujourd’hui n’a pas de supériorité à imposer, elle fait face à des puissances telles que les États-Unis, la Russie et la Chine. Face à ces politiques l’Europe ne s’en sortira qu’en étant “autre chose. Elle se distinguera en développant un nouveau projet de paix, en créant, dans le dialogue de ses ressources et de ses traditions culturelles, de nouvelles entreprises où le sens de la communauté humaine l’emportera sur la captation des richesses, où elle saura aider, poussée par un sens profond de la justice et de la fraternité, les personnes des autres continents à faire fructifier leurs propres richesses, plutôt qu’à être obligées de migrer sur de frêles bateaux en Méditerranée. Le chemin européen doit être un chemin d’entraide, de partage des richesses, de solidarité et de fraternité.

    41. Au moment de voter pour une Europe du bien commun et non des égoïsmes personnels, il faut prendre conscience des nouveaux défis à relever et des enjeux éthiques du choix que nous avons à faire.

    Pour que l’Europe soit à la hauteur des enjeux éthiques d’aujourd’hui, enjeux de justice, de solidarité, de respect des droits, de liberté, il faut que tous soient également animés par le souci du bien commun de nos patries européennes et par le souci de l’union dans la diversité. C’est la condition nécessaire pour vivre en paix en Europe et contribuer à la paix dans le monde. La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. C’est un nouvel humanisme qui doit naître sur la base de la capacité d’intégrer plutôt que d’exclure, sur la base d’une synthèse des traits des diverses cultures. C’est un humanisme nourri à notre histoire culturelle et spirituelle commune. C’est un humanisme ouvert à l’altérité et à la diversité de cultures, ouvert à l’étranger et au migrant. C’est un humanisme qui demande le dialogue. C’est un humanisme qui dynamise notre économie dans la promotion des capacités de travail de chacun. Nous pourrons alors nous réjouir de vaincre les fermetures qui risquent de nous écarter les uns des autres. C’est un chemin pour reconnaître chacun comme un interlocuteur valable et construire une société intégrée ou réconciliée.

                Scy-Chazelles, lieu de vie et de sépulture de Robert Schuman, le 8 avril 2024

  • + Jean-Claude Hollerich Cardinal, Archevêque de Luxembourg, + Stephan Ackermann Évêque de Trèves, + Philippe Ballot Archevêque-évêque de Metz, + Jean-Pierre Delville Évêque de Liège, + Jean-Paul Gusching Évêque de Verdun, + Pierre-Yves Michel Évêque de Nancy et de Toul, + Marc Stenger
    Évêque émérite de Troyes, + Pierre Warin
    Évêque de Namur

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