J’ai participé au repas partagé du dimanche à Saint-Gohard et je ne le regrette pas.
Le principe en est le suivant : deux bénévoles assurent la « base » du repas – respectivement dessert et plat principal. Les autres participants apportent ce qu’ils veulent à partager. Les hébergés d’Hiver Solidaire y viennent s’ils le désirent. Etant plus difficile de trouver des bénévoles en périodes de vacances scolaires et ayant l’expérience d’Hiver Solidaire, me trouvant disponible, j’offre ma contribution pour la première fois ce dimanche.
J’arrive donc à 12h30. Possédant le code de porte d’entrée, je suis déjà attendue par les quatre hébergés (Aurélien, Yohann, Fabrice, André) ainsi que par une jeune dame, Rachel, seule pour le partage ce jour-là. Entrés les bras chargés, c’est une véritable fourmilière qui commence à s’activer : qui à la mise en route des radiateurs pour rendre le lieu plus accueillant, qui à la mise en chauffe des plats apportés – attention à ne pas faire disjoncter ! , qui à la mise du couvert : les sets de table, puis, les assiettes, toutes les mêmes pour l’esthétique, enfin, les cuillers et couteaux – lames à l’intérieur – à droite, les fourchettes à gauche, supervisé par l’œil averti d’André et au goût assuré.
Complètent l’assemblée : les Pères Gilles de Cibon et Arnaud Laganier de retour de la messe de 11 heures à l’église Saint-Nazaire. Comme c’est jour de marché, les hébergés y sont passés et ont rapporté tortillas, rillettes et huîtres prêtes à déguster… Appropriés pour une entrée de choix. Exacerbés par les bonnes odeurs des plats cuisinés qui déjà diffusent dans la pièce, tous s’affairent dans la bonne humeur à la préparation de ce partage intégral : coupe du pain, carafes d’eau, serviettes de tables à chaque couvert… Un de plus pour qui s’annoncerait à l’improviste…Chacun prend place et, à bâtons rompus, les sujets les plus divers alimentent les conversations. Sans transitions on passe de la santé du pape François aux conditions requises (âge et aptitudes) pour l’exercice de la fonction à la notion de « pontif », « pont » entre les fidèles et Dieu… – à l’actualité sportive. Le foot pour les uns, le rugby pour d’autres… aux hymnes nationaux joués en ces occasions de tournois… aux dates spécifiques à Saint-Nazaire pour les prochaines commémorations…
Tous sont contents d’être là. Chacun se « lâche » en confiance dans sa spécialité. Exemple de Gilles, doté de connaissances approfondies en théologie, nous révèle les bases des prières de la messe, et comment s’est effectuée la christianisation des prières juives… La vie dans la rue est aussi évoquée par les hébergés qui commentent l’équipement urbain notamment des toilettes, appréciées par leur nombre mais pas toujours au top de propreté, et leur sécurité environnementale… La conversation dévie sur les trafics d’armes… Les anecdotes fusent comme les éclats de rires ! Aucun n’ignore l’actualité même dans la rue ! Les personnalités se dévoilent et l’érudition de Fabrice me bluffe : véritable puits de science, à la mémoire phénoménale quel que soit le sujet abordé… Chiffres à l’appui, véritable statisticien il connait tout de l’Histoire mondiale, des grandes guerres, de la Shoah, des peintres de toutes époques et l’architecture, de la géopolitique et du climat. Tout y passe.
Partages culinaires au premier abord, mais surtout partages de vies, d’idées dans la tolérance et la courtoisie, partages de rires et d’expériences de chacun… Il règne entre tous les convives un grand respect mutuel, une fraternité sincère entre tous. Le plateau de fromages fait le tour de la table… suivi par les savoureux desserts confectionnés avec amour. Les papilles sont comblées. Rachel nous sert un excellent café préparé chez elle. Personne ne voit l’heure tourner. On n’a pas envie de se séparer. Une famille éphémère s’est constituée qui marquera les esprits et les cœurs de chacun d’entre nous. Arnaud fait profiter exceptionnellement du lave-vaisselle de l’étage, tandis que les restes sont partagés en prévision du lendemain. Tout est rangé.
Au revoir et à bientôt !
Ce repas partagé de ce dimanche, véritable microcosme de notre société, pourrait être le reflet de ce qu’elle devrait être si chaque être humain décidait de bonne volonté. Preuve que la paix, composée de toutes nos différences et nos talents, de tous nos travers, c’est possible. Ce dimanche fut pour moi une occasion d’Espérance supplémentaire. Respect pour ces gens de la rue qui nous forcent au retour à l’Essentiel.
J’ai participé au repas partagé du dimanche… et je reviendrai.
Anne LORE
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