Avant son prochain départ, Luc Legouais a répondu aux questions de Louis Marie du groupe communication.
Louis-Marie : Le dimanche 8 mai était la journée mondiale de prière des vocations. Quand on parle de «vocation», on parle de tout ce qui touche l’être humain au plus intime de sa liberté. En quelques mots, comment ton engagement dans l’Eglise, ta mission auprès du peuple des baptisés ou non, t’ont bousculé dans ta vie d’homme et de prêtre ?
Ça m’a fait rencontrer des gens qui je n’aurais jamais rencontrés. A Pornic, dans l’endroit qu’on nommait, la cité… j’ai rencontré des jeunes, dont certains étaient des « graines de bandits », les «Arpètes» … Ils avaient de 16 à 18 ans. Je les ai connus en JOC, ça buvait… ça faisait des choses, pas très catholiques. Par contre d’autres s’en sont bien tirés : notamment, un jeune qui avait rencontré une Jociste et ils ont fait un beau parcours. On essayait d’aider ces jeunes, souvent de milieu pauvre à grandir humainement.
J’ai rencontré d’autres jeunes plus favorisés, qui avaient une foi réelle, militante et ça m’a fait beaucoup de bien. Au séminaire, nous avions fait de bonnes études, mais une approche de Dieu, un peu individualiste, monastique. Quand je suis venu sur « le terrain », mes premières questions de prêtre furent : “mais qui est Dieu dans la vie, dans ma vie, dans la vie des gens ?”
Moi, j’avais une approche mystique dans la prière. C’est eux qui m’ont aidé… et c’est là que j’ai rencontré l’Action Catholique où on apprend à discerner la présence de Dieu dans la vie des gens.
Mes différents postes m’ont confirmé de mon bousculement. Et la vie des gens est devenu l’horizon de notre ministère. Je vais faire une confidence ; il faut une gratuité dans l’écoute des gens, s’intéresser à ce qu’ils sont, à ce qu’ils font… Il faut une grande dépossession de soi. C’est quelque fois presque plus facile de parler de Dieu, surtout quand on a pris de l’âge.
Louis-Marie : Ces dernières années, tu n’avais plus la responsabilité d’une paroisse, mais tu t’es mis au service de la paroisse de Saint-François en Saint-Nazaire, comment as-tu vécu ces années?
C’est une question difficile ou du moins délicate. Il faut savoir assumer, accepter l’étape d’une vie où tu n’es plus en responsabilité, c’est-à-dire de ne plus décider de rien. Ce que je dis ce n’est pas que vrai, parce que durant ces onze années, j’ai eu l’accompagnement de l’équipe de préparation au mariage de la paroisse, avec des laïcs très actifs.
J’ai accompagné l’équipe du deuil (officiants et accompagnateurs laïques). J’ai accompagné le catéchuménat sur la paroisse avec un couple responsable et des accompagnants. Aujourd’hui je ne m’occupe que du service évangélique des malades.
Mais dans toutes ces activités très différenciées, j’ai été très heureux de servir mes frères chrétiens, appelés eux aussi à témoigner du Christ, auprès de tous ces gens rencontrés.
Je voudrais toutefois ajouter quelque chose. J’ai un petit regret, dans le dialogue avec nos jeunes générations de prêtres… Il n’y a pas ou peu de culture de transmission de l’expérience pastorale. Je n’en disconviens pas : le monde change, l’Eglise change, la foi des chrétiens évolue également : on ne vit plus tout à fait la foi comme on l’a vécue, il y a vingt ans et plus. Je n’en disconviens pas non plus : il ne faut pas sans doute refaire ce qui a été fait, mais il y aurait beaucoup à gagner à se dire comment on s’est construit en tant qu’homme, croyant, prêtre… dans tout le ministère passé. En un mot, c’était quoi la spiritualité qui nous as incités à vivre ce qu’on a vécu et aussi quelles sont les convictions qui nous ont habités. J’en ai dit quelques mots dans la réponse à la première question.
Louis-Marie : Luc, si j’ai bien compris, tu vas fêter bientôt tes 80 ans cette année et c’est le temps de la retraite bien méritée. Quels sont tes projets, tes envies… As-tu un message à laisser pour les paroissiens de Saint-François en Saint-Nazaire ?
J’ai un beau-frère pas très « catholique », qui depuis quinze ans ne comprend, mais vraiment pas, pourquoi je continue à « travailler » … Je ne suis pas sûr que je prends ma retraite ; si je pars, c’est parce que je le pense, il faut savoir partir. Cela fait onze ans que j’étais là. J’ai été très heureux, notamment dans le contact avec les trois communautés aussi différentes qu’elles soient.
La distance de Nantes à Saint-Nazaire, chaque semaine, commençait à me peser. Et puis je fatigue un peu !
A Nantes, je suis tout près d’une paroisse où j’irai rendre un service, notamment le week-end et puis, quelques activités s’y ajouteront : sans doute le service évangélique des malades. Je me sens en phase avec ces personnes. Les décisions seront prises en septembre avec la nouvelle équipe. Quand on est curé, on n’a pas le temps, j’espère que je ferai des visites aux gens. Je marcherai tous les jours. J’ai plusieurs livres à lire, sur la petite Thérèse et d’autres. Et puis pourquoi pas, me préparer à aller au ciel !…
Oui j’ai des choses à dire aux paroissiens :
D’abord, de ne pas avoir peur de prendre de l’âge ! Pourquoi ? J’ai vérifié que c’est la vie vécue, sur des années, qui vérifie la vérité des choses. Je vais prendre un exemple : j’ai eu beaucoup de mal à savoir si j’étais fait pour être prêtre, même si j’y ai pensé dès que j’avais six ou sept ans. Ce ministère de cinquante-cinq ans m’a donné la certitude que je ne me suis pas trompé, même si ça n’a pas toujours été simple. Mais ma vie a eu du sens.
Ensuite, j’ai vérifié que la vie apporte des choses inattendues. Tous, nous rencontrons, un jour ou l’autre, des épreuves de mille sortes : maladie, drame de famille, échecs divers… J’ai eu les miens. Si soi même, on est volontaire et déterminé, il y a toujours sur notre route des personnes d’amitiés ou de compétences qui vous aident à transformer vos épreuves en moments de constructions et de fécondités. Et la foi elle-même, s’en trouve comme revigorée et fortifiée.
Et puis une dernière chose : La vie nous amène des surprises. Là encore, un exemple : nous sommes une génération qui n’avait pas le culte de Saints. Le Christ nous suffisait parfaitement et puis il a fallu cinquante ans pour que je découvre la « petite Thérèse de Lisieux ». Il est vrai que toute ma vie, j’ai cherché, je suis fait comme ça ! Et ce que je cherchais, je l’ai trouvé chez elle : un chemin pour aller vers Dieu. Et c’est sans doute, elle, avec le Christ qui va m’aider à aller au ciel!
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