{"id":12614,"date":"2020-04-27T14:46:08","date_gmt":"2020-04-27T12:46:08","guid":{"rendered":"https:\/\/paroisses-st-nazaire-briere.fr\/?p=12614"},"modified":"2020-05-06T18:39:27","modified_gmt":"2020-05-06T16:39:27","slug":"lettre-du-pape-francois-aux-mouvements-populaires-12-avril-2020","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/paroisses-st-nazaire-briere.fr\/lettre-du-pape-francois-aux-mouvements-populaires-12-avril-2020\/","title":{"rendered":"Lettre du Pape Fran\u00e7ois aux mouvements populaires – 12 avril 2020"},"content":{"rendered":"
Aux fr\u00e8res et aux soeurs des mouvements et organisations populaires<\/strong><\/span><\/p>\n Chers amis,<\/p>\n Je pense souvent \u00e0 nos rencontres : deux au Vatican et une \u00e0 Santa Cruz de la Sierra et je vous avoue que ce \u00ab souvenir \u00bb me fait du bien, me rapproche de vous, me fait repenser \u00e0 tant de discussions partag\u00e9es durant ces rencontres et aux nombreux projets qui en sont n\u00e9s et y ont m\u00fbri, et dont beaucoup sont devenus r\u00e9alit\u00e9.<\/p>\n Aujourd\u2019hui, en pleine pand\u00e9mie, je pense particuli\u00e8rement \u00e0 vous et je tiens \u00e0 vous dire que je suis \u00e0 vos c\u00f4t\u00e9s. Votre attitude m\u2019aide, m\u2019interroge et m\u2019apprend beaucoup. Pas plus qu\u2019on ne parle des paysans ou des petits agriculteurs qui continuent \u00e0 travailler pour produire de la nourriture sans d\u00e9truire la nature, sans l\u2019accaparer ni sp\u00e9culer avec les besoins du peuple.<\/p>\n Je veux que vous sachiez que notre P\u00e8re c\u00e9leste vous regarde, vous appr\u00e9cie, vous reconna\u00eet et vous soutient dans votre choix. Comme il est difficile de rester chez soi pour ceux qui vivent dans un petit logement pr\u00e9caire ou qui sont directement sans toit. Comme cela est difficile pour les migrants, pour les personnes priv\u00e9es de libert\u00e9 ou pour celles qui se soignent d\u2019une addiction. Vous \u00eates l\u00e0, physiquement pr\u00e9sents aupr\u00e8s d\u2019eux, pour rendre les choses plus faciles et moins douloureuses.<\/p>\n Je vous f\u00e9licite et je vous remercie de tout mon coeur. J\u2019esp\u00e8re que les gouvernements comprendront que les paradigmes technocratiques (qu\u2019ils soient \u00e9tatistes ou fond\u00e9s sur le march\u00e9) ne suffisent pas pour affronter cette crise, ni d\u2019ailleurs les autres grands probl\u00e8mes de l\u2019humanit\u00e9. Vous \u00eates des b\u00e2tisseurs indispensables \u00e0 ce changement in\u00e9luctable. Je dirais m\u00eame plus, vous avez une voix qualifi\u00e9e pour t\u00e9moigner que cela est possible. Vous connaissez bien les crises et les privations\u2026 que vous parvenez \u00e0 transformer avec pudeur, dignit\u00e9, engagement, effort et solidarit\u00e9, en promesse de vie pour vos familles et vos communaut\u00e9s. Veuillez aussi prier pour moi, car j\u2019en ai besoin. Cit\u00e9 du Vatican, dimanche de P\u00e2ques, le 12 avril 2020<\/p>\n
\nEn ces jours de grande angoisse et de difficult\u00e9s, nombreux sont ceux qui ont parl\u00e9 de la pand\u00e9mie dont nous souffrons en utilisant des m\u00e9taphores guerri\u00e8res. Si la lutte contre le COVID-19 est une guerre, alors vous \u00eates une v\u00e9ritable arm\u00e9e invisible qui combattez dans les tranch\u00e9es les plus p\u00e9rilleuses. Une arm\u00e9e sans autres armes que la solidarit\u00e9, l\u2019espoir et le sens de la communaut\u00e9 qui renaissent en ces jours o\u00f9 personne ne peut s\u2019en sortir seul. Vous \u00eates pour moi, comme je vous l\u2019ai dit lors de nos rencontres, de v\u00e9ritables po\u00e8tes sociaux qui, depuis les p\u00e9riph\u00e9ries oubli\u00e9es, apportez des solutions dignes aux probl\u00e8mes les plus graves de ceux qui sont exclus.
\nJe sais que tr\u00e8s souvent vous n\u2019\u00eates pas reconnus comme il se doit, car dans ce syst\u00e8me vous \u00eates v\u00e9ritablement invisibles. Les solutions pr\u00f4n\u00e9es par le march\u00e9 n\u2019atteignent pas les p\u00e9riph\u00e9ries, pas plus que la pr\u00e9sence protectrice de l\u2019\u00c9tat. Vous n\u2019avez pas non plus les ressources n\u00e9cessaires pour remplir sa fonction. Vous \u00eates consid\u00e9r\u00e9s avec m\u00e9fiance parce que vous d\u00e9passez la simple philanthropie \u00e0 travers l\u2019organisation communautaire, ou parce que
\nvous revendiquez vos droits au lieu de vous r\u00e9signer et d\u2019attendre que tombent les miettes de ceux qui d\u00e9tiennent le pouvoir \u00e9conomique. Vous \u00e9prouvez souvent de la col\u00e8re et de l\u2019impuissance face aux in\u00e9galit\u00e9s qui persistent, m\u00eame lorsqu\u2019il n\u2019y a plus d\u2019excuses pour maintenir les privil\u00e8ges. Toutefois, vous ne vous renfermez pas dans la plainte : vous retroussez vos manches et vous continuez \u00e0 travailler pour vos familles, pour vos quartiers, pour le bien commun.<\/p>\n
\nJe pense aux personnes, surtout des femmes, qui multiplient le pain dans les cantines communautaires, en pr\u00e9parant avec deux oignons et un paquet de riz un d\u00e9licieux rago\u00fbt pour des centaines d’enfants ; je pense aux malades, je pense aux personnes \u00e2g\u00e9es. Les grands m\u00e9dias les ignorent.<\/p>\n
\nAujourd\u2019hui plus que jamais, ce sont les personnes, les communaut\u00e9s, les peuples qui doivent \u00eatre au centre de tout, unis pour soigner, pour sauvegarder, pour partager.
\nJe sais que vous avez \u00e9t\u00e9 priv\u00e9s des b\u00e9n\u00e9fices de la mondialisation. Vous ne jouissez pas de ces plaisirs superficiels qui anesth\u00e9sient tant de consciences. Et pourtant, vous en subissez toujours les pr\u00e9judices. Les maux qui affligent tout un chacun vous frappent doublement. Beaucoup d\u2019entre vous vivent au jour le jour sans aucune garantie juridique pour vous prot\u00e9ger. Les vendeurs ambulants, les recycleurs, les forains, les petits paysans, les b\u00e2tisseurs, les couturiers, ceux qui accomplissent diff\u00e9rents travaux de soins. Vous, les travailleurs informels, ind\u00e9pendants ou de l\u2019\u00e9conomie populaire, n\u2019avez pas de salaire fixe pour r\u00e9sister \u00e0 ce moment\u2026 et les quarantaines vous deviennent insupportables. Sans doute est-il temps de penser \u00e0 un salaire universel qui reconnaisse et rende leur dignit\u00e9 aux nobles t\u00e2ches irrempla\u00e7ables que vous effectuez, un salaire capable de garantir et de faire de ce slogan, si humain et chr\u00e9tien, une r\u00e9alit\u00e9: pas de travailleur sans droits.
\nJe voudrais aussi vous inviter \u00e0 penser \u00e0 \u00ab l\u2019apr\u00e8s \u00bb, car cette tourmente va s\u2019achever et ses graves cons\u00e9quences se font d\u00e9j\u00e0 sentir. Vous ne vivez pas dans l\u2019improvisation, vous avez une culture, une m\u00e9thodologie, mais surtout la sagesse p\u00e9trie du ressenti de la souffrance de l\u2019autre comme la v\u00f4tre. Je veux que nous pensions au projet de d\u00e9veloppement humain int\u00e9gral auquel nous aspirons, fond\u00e9 sur le r\u00f4le central des peuples dans toute leur diversit\u00e9 et sur l\u2019acc\u00e8s universel aux trois T que vous d\u00e9fendez : terre, toit et travail. J\u2019esp\u00e8re que cette p\u00e9riode de danger nous fera abandonner le pilotage automatique, secouera nos consciences endormies et permettra une conversion humaniste et \u00e9cologique pour mettre fin \u00e0 l\u2019idol\u00e2trie de l\u2019argent et pour placer la dignit\u00e9 et la vie au centre de l\u2019existence. Notre civilisation, si comp\u00e9titive et individualiste, avec ses rythmes fr\u00e9n\u00e9tiques de production et de consommation, ses luxes excessifs et des profits d\u00e9mesur\u00e9s pour quelques-uns, doit \u00eatre frein\u00e9e, se repenser, se r\u00e9g\u00e9n\u00e9rer.<\/p>\n
\nContinuez \u00e0 lutter et \u00e0 prendre soin de chacun de vous comme des fr\u00e8res et soeurs. Je prie pour vous, je prie avec vous et je demande \u00e0 Dieu, notre P\u00e8re, de vous b\u00e9nir, de vous combler de son amour et de vous prot\u00e9ger sur ce chemin, en vous donnant la force qui nous permet de rester debout et qui ne nous d\u00e9\u00e7oit pas : l\u2019espoir.<\/p>\n
\nFraternellement, Francesco.<\/p>\n