Anniversaire de l’Armistie
Prière du 11 novembre 2018
Témoignage de la Grande Guerre

Extraits de la Lettre de Charles -René Ménard à sa femme

(in : Paroles de Poilus, ed. Librio 1998)

Nantes, le 11 novembre 1918, Chefferie de Nantes.

Ma chérie. Que n’ai-je été aujourd’hui près de toi, avec nos chers enfants ? C’est dans un petit village breton, Saint Vincent (près de Malestroit) que j’ai vu le visage de la France en joie. J’étais parti de Nantes à 9 heures. On y disait que l’armistice était  signé. Mais depuis trois jours ce bruit courait sans cesse… et les cloches restaient muettes. 10 heures : Savenay est calme ; 10h30 : Pontchâteau est calme ; 11h30 Redon : une grande animation, mais c’est la foire… Des drapeaux, mais pas de bruit : midi sonne, l’Angélus trois tintements triples, le branle, le branle de chaque jour. Il faut attendre… La route de Malestroit… et nous voici dans un village. A droite la mairie pavoisée, au fond l’église pavoisée, mais dans le halètement du moteur qui s’arrête… les cloches, les cloches à toute volée et, sortant de l’église, une troupe d’enfants : 60, peut-être 100 petits enfants de France, la classe 30 de Saint Vincent,
en Morbihan, drapeaux en tête, avec le curé en serre-file qui les pousse et les excite, et des gens qui font des grands gestes. Vite hors de la voiture, et les hommes et les femmes qui sont les plus près se précipitent vers nous. Il n’est besoin d’aucune explication. (…) Accolade au curé dont la main tremblante tient la dépêche jaune : « L’armistice est signé. Les hostilités cessent aujourd’hui à 11 heures. Je compte sur vous pour faire sonner les cloches. » Poignées de main au maire, M. de Piogé, à un autre notable (…). Nos alliés sont acclamés ; on crie : « Vive la France et vive l’Amérique ! Vive Foch, vive Joffre ! » On remercie Dieu et le poilu ; et le curé montre son grand drapeau du Sacré-Cœur qui flotte triomphant sur le parvis de son église. Chacun pense à ceux des siens dont le sacrifice a gagné cette heure. Les larmes coulent sans qu’on cherche à les cacher, mais les visages rient : le visage de la France est joyeux. Je voudrais voler vers toi, les enfants, ta mère et tous… Et je me réjouis, puisque je n’étais pas auprès de toi en ce moment unique, d’avoir au moins vécu cette heure dans un petit village breton, simple, sincère, humble, plutôt que dans une ville en délire. Et maintenant, partout les cloches nous accompagnent…

 

 

 

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